samedi 24 janvier 2015

Lettre ouverte des étudiants du paysage


Les étudiants de la formation des paysagistes de l’École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Bordeaux, de Lille ainsi que du département paysage de l'INSA Centre Val de Loire, ont bien l’honneur de vous informer, qu’ils protestent contre la teneur du décret et des arrêtés relatifs au Diplôme d’État de Paysagiste publiés au journal officiel les lundi 24 novembre 2014 et dimanche 18 janvier 2015.

Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte expliquant cette protestation. 


Pour plus d'information sur la réforme vous pouvez consulter le site internet suivant : http://www.reforme-paysage.net



Lettre ouverte des étudiants de la formation des paysagistes des ENSAP de Bordeaux et de Lille et du département Paysage de l'INSA Centre Val de Loire du mardi 20 janvier 2015

Cette lettre ouverte a été transmise à :
• Madame Fleur PELLERIN, Ministre de la Culture et de la Communication
• Madame Najat VALLAUD-BELKACEM, Ministre de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement supérieur et de la recherche
• Monsieur Stéphane LE FOLL, Ministre de l’Agriculture, de l’Agro-alimentaire et de la Forêt
• Madame Ségolène ROYAL, Ministre de l'Écologie, du Développement Durable et de l'Énergie.
• Monsieur Vincent FELTESSE, Conseiller à la Présidence de la République
• Madame Geneviève FIORASO, Secrétaire d'État à l'Enseignement Supérieur et la Recherche.
• Monsieur Vincent BERJOT, Directeur général des Patrimoines au Ministère de la Culture et de la Communication
• Madame Agnès VINCE, Directrice chargée de l'Architecture au Ministère de la Culture et de la Communication
• Mesdames Aude LEDAY JACQUET et Karine MANGIN, Représentantes du Bureau des Paysages et de la Publicité au
Ministère de l'Écologie, du Développement Durable et de l'Énergie
• Monsieur Vincent JECHOUX, Conseiller au Cabinet de Ségolène Royal
• Monsieur Martin CHENOT, Directeur de l'ENSAP de Bordeaux
• Monsieur Jean-Marc ZURETTI, Directeur de l'ENSAP de Lille
• Monsieur Vincent PIVETEAU, Directeur de L'ENSP de Versailles-Marseille
• Monsieur Marc CLARAMUNT, Directeur de l'ENSNP de Blois
• Madame Emmanuelle CHEVASSUS-LOZA, Directrice adjointe Agrocampus Ouest, directrice du centre d'Angers.
• Monsieur Jean-Marc BOUILLON, Président de la Fédération Française de Paysage


Nous sommes consternés d'apprendre par la publication au journal officiel du dimanche 18 janvier 2015, que notre gouvernement ait pu signer le vendredi 9 janvier 2015, les arrêtés relatifs au Diplôme d’État de Paysagiste sans que soit remis en question les éléments soulevés par le mouvement de contestation initié par les enseignants et les étudiants de l'ENSAP Bordeaux depuis le 19 novembre 2014 et partagés depuis, dans une majorité des établissements d'enseignement du Paysage en France.

Une large majorité des personnes interpelées, au delà même de ces établissements, en France comme à l'étranger, ne comprend absolument pas la logique et le sens qu'il y a derrière le décret et les arrêtés actuels. Tout le monde s'accorde à dire qu'ils ne présentent aucune amélioration et surtout aucun intérêt pour les étudiants comme pour les établissements. Bien au contraire, ils dégradent les conditions actuelles et ne sont absolument pas à la hauteur de l'ambition initiale de la réforme. Suite à deux réunions avec les représentants des trois Ministères de tutelle, des promesses avaient pourtant été formulées par ces derniers pour corriger les graves erreurs du décret à travers les arrêtés. Il est intolérable de voir que des décisions puissent aller à l'encontre d'une contestation portant des arguments de fond, partagés par la grande majorité des personnes concernées. Comment des décisions gouvernementales peuvent être prises en dépit des intérêts pédagogiques développés et défendus par des personnes expérimentées et engagées de longue date sur la question du paysage et de son enseignement?


Ce décret avait pour origine l'application du processus de Bologne. C’est à dire l’adaptation de la formation au cycle européen Licence-Master-Doctorat, effectif dans la quasi totalité des enseignements supérieurs en France comme à l’étranger. Ce changement était l’occasion d’améliorer la formation menant au diplôme de paysagiste en la construisant sur cinq années d’études supérieures. Cela permettait de favoriser l’interdisciplinarité, la diversité des enseignements, de développer les échanges inter-écoles à l’échelle nationale comme à l’internationale, de former des paysagistes compétents et reconnus pour répondre aux nouveaux enjeux de nos territoires. A travers le changement de forme, il y avait une véritable volonté de travailler sur le fond de nos études afin de les faire évoluer en lien avec les nouveaux enjeux de la profession de Paysagiste. Ce qui est imposé aujourd’hui, ne correspond plus à rien : ni au DPLG qui se trouve réduit à 3 ans, ni au système LMD. Cela entraine une grave dévaluation de notre diplôme en France comme à l'étranger alors qu'il peine déjà à être reconnu face à nos confrères architectes, écologues, géomètres, ou ingénieurs VRD. Actuellement, la Fédération Française du Paysage témoigne largement de cette problématique.


Nous dénonçons ainsi une décision unilatérale des trois ministères de tutelle et en particulier du Ministère de l’Agriculture qui a complètement nié plus de 10 années de travail concernant la mise en place du nouveau diplôme et les nombreuses réprobations de ses décisions. Ce dernier a fait preuve de despotisme, en imposant un cadre contraire aux projets d'établissement des trois écoles qui ne sont pas sous sa tutelle. Nous nous élevons contre la suprématie administrative injustifiée du Ministère de l'Agriculture, surtout lorsque celui-ci met à défaut la formation dont il a en partie la responsabilité. Aucune raison valable ne justifie les décisions qui ont été prises. Jamais le Ministère de l'Agriculture n'a su argumenter sa décision. Quelles sont les véritables volontés du ministère de l'Agriculture à aller à l'encontre du bon sens? Quelle est l'utilité du changement si le résultat est plus mauvais que ce qui existait précédemment? Le ministère de l'Agriculture prend aujourd'hui la responsabilité d'avoir créé un diplôme sous qualifiant en réduisant la formation en 3 années, à travers un parcours complexifié. Une réduction des années d'études qui n'est d'ailleurs pas assumée par ce même Ministère car celui-ci compte créer une année post-DEP supplémentaire pour son établissement de tutelle.


L’ensemble des étudiants témoigne de dysfonctionnements internes dans leurs différents établissements. Il y a de véritables inégalités entre les écoles et avec d'autres formations en lien avec la notre. La difficile mise en œuvre de la réforme témoigne de l'inefficacité d'être administré par 3 ministères différents. La profession est de son côté également inquiète pour son avenir à l'heure où pourtant la question du paysage devient primordiale. La présence de paysagistes au sein des administrations ministérielles est inexistante, aucun paysagiste n'y occuperait de poste. Ces différentes situations témoignent d’un dysfonctionnement plus général de la question du paysage en France et de la reconnaissance de notre métier. Notre mouvement de contestation va bien au delà de la réforme du diplôme. Nous ré-interrogeons à ce titre le Ministère de l'Écologie sur ses volontés, ses objectifs et les véritables moyens à mettre en œuvre dans son projet de « reconquête des paysages et de la nature en ville ». Une véritable remise à plat de l'organisation ministérielle et administrative du paysage doit être menée en lien avec l'ensemble des métiers de l'aménagement.


Notre formation, et la profession, de par sa rareté, est fragile et il apparaît comme nécessaire de renforcer les liens entre établissements plutôt que de les isoler. La réunion des quatre écoles sous un même diplôme doit favoriser les relations et la coopération entre les établissements, permettre la constitution d'un pôle de connaissance et de recherche conjuguée autour de la question du paysage avec l'ensemble des formations de l'enseignement supérieur en lien avec l'aménagement du territoire. Nous sommes accablés de voir que la réforme ait pu à ce point mettre les établissements dans une situation conflictuelle voire concurrentielle.


Les étudiants de l'ENSAP de Lille et du département Paysage de l'INSA Centre Val de Loire (ex ENSNP de Blois) sont désormais unis avec les étudiants de l'ENSAP de Bordeaux pour rejeter le décret et les arrêtés qui viennent d'être publiés. Nous avons largement témoigné de notre solidarité entre étudiants des différentes écoles, d'une forte volonté de liens, d'échanges et de partage, notamment à travers l’UFEP. Nous ne pouvons pas accepter un décret inégalitaire et nuisible à la solidité de notre profession. D’une même voix nous affirmons notre volonté de porter haut et fort la discipline, et crions notre indignation devant les décisions insensées de nos «responsables ». Les ministères, nos directeurs, nos équipes administratives et nos enseignants, doivent prendre conscience que c’est l’avenir de plusieurs générations de paysagistes qu’ils mettent en danger s’ils ne se mobilisent pas en notre faveur.


Nous, étudiants, affirmons ensemble notre opposition ferme au présent décret et ses arrêtés et notre volonté à réussir le pari d'un véritable diplôme d'État de Paysagiste, fort, commun, égalitaire et fédérateur. Nous poursuivrons nos actions tant que nos revendications ne seront pas véritablement prises en compte. Nous attendons de nouvelles propositions de la part des 3 ministères de tutelle en vue de l'amendement du décret et des arrêtés actuels.


Les étudiants des écoles de l'ENSAP de Bordeaux, de l'ENSAP de Lille, et du département Paysage de l'INSA Centre Val de Loire (ex ENSNP de Blois)


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